langelot57 a écrit :On ne regrette notre jeunesse que parce qu'on était jeune ...
En partie certainement.
Mais pas seulement.
A 20 ans (en 2007), je savais que même en tant que futur diplômé, j'allais vers le chômage. Nous n'étions pas dupes sur la durée de la crise économique (on nous disait que c'était temporaire, nous savions qu'elle allait durer), la crise politique, sociale, environnementale, la difficulté de se rencontrer entre jeunes une fois les études terminées (l'essor d'internet en est une cause et aussi un résultat : on socialise et se rencontre différemment...), sans parler du SIDA, de la nouvelle guerre des sexes qui fait qu'approcher une fille est devenu périlleux parce que si on est trop gentil et respectueux, on devient le bon copain, et si on on est trop audacieux, on est au bord du harcèlement (je caricature, mais vous m'avez compris).
Du coup selon les tempéraments, les gens oscillent entre consommation sexuelle frénétique sans lendemain et célibat longue durée parce que même à l'amour, on n'y croit plus trop.
On est aussi devenus des produits de consommation pour le marché du travail : 20 appelés pour un élu, CV, lettre de motivation et entretien pour "savoir se vendre" (!!) comme si avoir un travail était un privilège qu'il fallait mériter.
Les gens ont peur, s'isolent les uns des autres, la vie des villages meurt, dans les villes on ne connaît plus son voisin de pallier, le repli sur soi met la vie sociale à l'agonie.
On rentre le soir crevé de la journée de boulot (si on a de la chance d'en avoir, trop crevés pour faire autre chose, souvent seuls parce qu'on n'a ni le temps ni l'énergie. On a du mal à ouvrir un bouquin parce que le cerveau réclame du repos. Alors on allume la TV, on voit les attentats, les guerres en europe, au moyen orient, les parades des petits roquets de la classe politique,on devient aigre. Alors de là deux solutions : soit on zappe sur Hanouna pour se vider le cerveau, soit on remet tout en question et on rêve d'ailleurs, de mieux, de marge humaine. On se désinvesti du travail, on se coupe des nouvelles du monde et on conserve son énergie pour tenter quand même de sortir invaincu au milieu de cette très vilaine société. On tente de se cultiver, de réflechir, de devenir quelque chose de différent.
Mais alors on ne peut plus ployer tel le roseau, on passe en position tendue, dressé contre le reste du monde et on peut finir vite fait déraciné comme le chêne de la Fable.
Psys, anxiolytiques, antidépresseurs... C'est magique !
Alors on se dit, pour paraphraser le sage philosophe Krishnamurti que ce n'est de toute façon pas un signe de bonne santé mentale que d'être bien adapté à une société profondément malade, on se rassure quelques temps, mais au fond on reste dans la même merde : Métro boulot dodo, forcé de cautionner l'action des pantins qui nous narguent à la télé. L'esclavage par la résignation.
Je suis d'une génération de pessimistes conscients : on ne nous a jamais laissé la possibilité d'être optimistes sur le futur, et on comprend bien pourquoi aujourd'hui. Et ce n'est pas terminé.
Bref, j'envie un peu ceux qui ont eu 20 ans dans les années 1980, où tout était plus facile, humain, léger et joyeux, ça se voit rien que dans les chansons et la manière de s'habiller de l'époque (même si on était à l'apogée du mauvais goût
) .
Enfin, je ne vous envie pas trop quand même, car moi je n'ai pas encore 30 ans ! :p
(Et désolé pour l'étalement. Je ne vais pas trop mal, sinon. Mais ça me demande beaucoup d'énergie et ça ne m'empêche pas d'être conscient du bourbier dans lequel nous évoluons tous, au bénéfice d'absolument personne, car même les plus riches et les plus puissants ne peuvent pas être heureux là-dedans).