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  • Lettre d'un légionnaire (1)

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 #1696577  par Arual
 
Lettre d’un légionnaire


Depuis une semaine nous connaissons les ordres de Domitien : la VIII Augusta doit quitter ses cantonnements de Mirebeau-sur-Bèze pour Argentorate. Nous partons renforcer les garnisons de Haute-Germanie.

Dès la première heure (6 heures du matin), les trompettes nous réveillent. J’ouvre les yeux sur un petit matin de la fin avril 90. Je m’appelle Marcus Julius Gallus, 1ère centurie de Caius Julius Macer, 1er manipule, 1ère cohorte, VIIIème Augusta et 23 ans de services comme mon alter ego Paulus (notre service dure 25 ans !).

Dans mon contubernium, ma chambrée de huit hommes, les autres sont des jeunots : 22 ans pour Publius et Gaius, moins de 20 ans pour les quatre autres. Vieux soldat, je commence par le plus important, bien chausser mes caligae : les pieds protégés de la neige par une peau ou une pièce de laine, bien tenus mais pas trop serrés. Le cuir et les lacets ne doivent pas pouvoir entamer la peau ou les chairs sinon la marche ne sera qu’un long supplice. « Bien dans ses caligae, bien dans sa tête, les bonnes chaussures cloutées font le légionnaire heureux et dispos ! » affirme Gaius en m’imitant. La tunique maintenant, une peau retournée protège les épaules du poids de l’armure, un foulard de laine évite les frottements du métal sur le cou… tout un art de s’habiller pour rester efficace. Paulus m’aide à revêtir mon armure, je lui rends la pareille. L’entraide, dans un contubernium, est la première règle fondamentale de survie (un pour tous et tous pour un ? Si !). Gaius et Publius enfilent leur cotte de mailles. Nous quittons le baraquement. Ceinturons, poignards, glaives et casques restent encore accrochés aux boucliers regroupés en faisceaux avec les pila.

Rapidement nous chargeons notre mule : la tente, l’outillage, les pieux de palissade….Déjeunons solidement de galettes de pain de la veille, de fromage et de lard. Enfin nous nous armons : d’abord le glaive, à droite, puis le ceinturon qui passe par-dessus le baudrier sinon, en dégainant, le fourreau remonte et gène la sortie de l’arme. Le poignard, à gauche, coulisse-t-il bien dans son fourreau ? Le glaive aussi ? Le tablier se situe bien au milieu et protège le bas-ventre ?

A la troisième heure (8 heures), tout est prêt. Eclaireurs et pionniers partent déjà reconnaître la route- même si nous la savons sûre- et choisir l’emplacement du camp de marche pour ce soir.

Les deux Centurions de notre manipule examinent les ordres une dernière fois. Il nous reste une petite heure pour les coquetteries d’usage et les dernières vérifications.

Puis on enlève les dernières échardes récoltées en chargeant l’artillerie sur les chariots : 59 scorpions, 10 catapultes et 3 onagres, une sacrée puissance de tir !

Maintenant ne rien oublier de nos petits bagages personnels : nos sarcinae, tant chaque objet nous est précieux : le filet avec les provisions de la journée( et un peu plus si possible !), la patère, la situle, les faucilles, les couteaux et le bidon (j’ai pu trouver hier soir, un petit vin gaulois cher mais divin), le nécessaire de toilette.

Tout arrimer par des lacets de cuir à la furca et, surtout, bien équilibrer l’ensemble.. Armés de pied en cap, revêtus de la paenula (ce grand manteau semi- circulaire de laine avec son grand capuchon, bien pratique pour protéger le casque m’avait coûté une petite fortune : 24 sesterces que je ne regrette pas dans ce pays !) pour nous protéger du froid vif et de la neige qui commence à tomber, nous attendons, accroupis, instinctivement regroupés par contubernium. Le silence n’est plus troublé que par les braiments de quelques milliers de mules !

Quatrième heure (9 heures), les trompettes sonnent, les hommes se redressent, mon Centurion déboule et hurle « conclamari ! » (« sac au dos » ou plus familièrement « on se barre ! » sic !). Je charge mon pilum et mes sarcinae sur l’épaule gauche, mon casque retenu par sa jugulaire pend sur ma poitrine, ma main gauche agrippe le lourd scutum protégé par sa housse de cuir, je porte plus de quarante kilos comme chacun d’entre nous.

Les ordres fusent et se suivent, relayés de baraquement en baraquement par les Centurions « Signa inferre ! Perge ! » (« en avant marche ! ») Et c’est parti pour 15000 pas au rythme régulier de 66 pas par minute. Juste une ballade en rase campagne, bien loin des étapes de 20000 pas (un pas = 1,472 m et nous pouvons avancer au rythme normal de 4000 pas ou rapide de 4800 pas à l’heure) dévorées en moins de 5 heures !

Arual