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  • Lettre d'un légionnaire (2)

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 #1696578  par Arual
 
Notre manipule, fort de ses deux centuries de 180 hommes, regroupe l’élite de la VIII. Il marche en tête, juste après notre Légat et les enseignes. Trois heures de marche, la légion s‘étire sur au moins 3000 à 4000 pas : un long fleuve de métal de 6400 hommes par rangs de 6 avec, au milieu, l’artillerie et les impedimenta. Ces bagages lourds nous les avons méticuleusement chargés sur des chariots tirés par des mules, nous les préférons aux bœufs dont le pas, beaucoup plus lent, freine la colonne. La marche devient mécanique, nous échangeons bien encore quelques rapides plaisanteries mais la première fatigue se manifeste. Le bouclier commence à trop tirer sur le bras gauche, l’épaule droite devient douloureuse. Le martèlement des pas, le bruit des roues de plus d’un millier de chariots, le braiment des mules, le cliquetis des tabliers, des armures, les cris des Centurions qui fustigent quelque recrue en difficulté ou encouragent un de leurs vétérans préférés… c’est vivant une légion en marche ! En fin de convoi, après la troupe, suit tout un monde de civils : artisans, boutiquiers, tenanciers de tripots, vivandières qui savent monnayer des services très divers, femmes et enfants… Il nous est interdit de convoler en justes noces mais nous avons passé tant d’années à Mirebeau et les femmes Séquanes sont parfois si belles ( de toute façon il faudra bien des légionnaires pour assurer la relève et servir Rome !). Une légion se déplace, une ville se déplace : les ordres de Domitien jettent aujourd’hui 20000 personnes sur la route !

« Signa statuere! Laxate ! »(« Halte ! repos ! » ). Septième heure (12 heures), une halte bienvenue. Bagages à terre, beaucoup restent encore assis, immobiles, le temps de souffler puis les sacs s’ouvrent et nous commençons à grignoter nos galettes.

Paulus et moi repérons des stèles sur le bas-côté, nous décidons de les dégager. Chaque passant doit pouvoir lire et prononcer le nom des morts, simple question de respect, de tradition, même si nos rares recrues ne comprennent pas. « Conclamari, Signa inferre ! Perge ! » C’est reparti….

Voici la dixième heure (15 heures), nous atteignons la fin de l’étape. Le vrai travail commence. La première cohorte (800 hommes), les deuxième et troisième cohortes (480 légionnaires chacune) restent en armes. Les bagages personnels posés, nous surveillons les campagnes environnantes face à un éventuel ennemi. Les 960 hommes des deuxième et troisième cohortes partent fourrager. Les 2400 des cinq autres cohortes deviennent géomètres, arpenteurs, terrassiers, menuisiers.

Un drapeau blanc marque l’emplacement du Prétoire, un carré de 60m de côté où une poignée de soldats dresse la tente du légat puis celles de tout notre état major. D’autres tracent les deux grands axes perpendiculaires qui en partent et traversent tout le camp jusqu’aux portes : la via principalis et la via praetoria. Des équipes délimitent son périmètre. En armure ou cotte de mailles, armes et boucliers à portée de main, tous creusent maintenant un fossé de 2,70m de large, 3,6m de profondeur et 1960m de long. Ils rejettent la terre vers l’intérieur du bivouac, l’entassent, la dament, construisent ainsi un rempart de 1,20m de hauteur, plantent au sommet des milliers de pieux…A la première heure de la nuit (18heures) le camp apparaît comme un immense rectangle (580x390m) aux coins arrondis, protégé par un fossé doublé d’un rempart de terre taluté de gazon et surmonté d’une palissade. Tous les peuples que nous avons rencontrés éprouvent une fascination certaine pour ce tour de force journalier. La légion en sécurité, nous nous installons enfin : notre centurie aligne ses 11 tentes, le Centurion en bout de rangée, face à celles de la deuxième centurie. Nous délimitons ainsi deux des côtés d’un carré de 40m. Au milieu, nos mules, déchargées, paissent tranquilles, nos chariots sont soigneusement alignés.

Les premiers feux s’allument puis d’autres et d’autres encore, plus de 700 feux illuminent les 22 hectares du camp. Nous devons encore fourbir le matériel, remplacer les clous perdus aux caligae, vérifier les armes, soigner les bobos de la journée…

Deuxième heure de la nuit(20 heures), tandis que Gaius pétrit nos galettes, Publius ramène quelques belles bûches, il rit et montre Paulus qui surgit, ouvre son manteau, dévoile des œufs et une oie, volée ou payée ? Nous ne le saurons jamais. Avec mon petit vin gaulois le contubernium s’apprête à festoyer. Le Centurion le sent bien, il se rapproche, sa patère à la main. Celui-là nous l’aimons bien, dur mais juste, bon soldat, économe de ses hommes et de leurs peines, honnête ce qui pour un centurion devient rare. Issu d’une excellente gens, il croit toujours à la grandeur de Rome. C’est un des nôtres, il termine sa 23ème année. Alors nous partagerons entre vieux soldats qui servent les Flaviens depuis 20 ans. Vespasien d’abord- nous étions à Bedriacum face à Vitellius- puis ses fils Titus et Domitien. Quelques jours de marche encore et aux frontières nous redeviendrons, comme à Novae, les sentinelles de l’Empire.

Arual
 #1696581  par domi87110
 
Bonjour,
il serait bon de citer les sources ;-)