Pour la petite histoire.
Au moyen-âge et même bien avant, en ville, le porc joue un rôle d’éboueur. Il se nourrit de déchets et d’ordures, ceux des maisons, des boutiques, des foires et des marchés, mais aussi ceux des cimetières. Au début du XIIIe siècle, le roi de France Philippe Auguste dût faire entourer le cimetière des Innocents à Paris d’un mur suffisamment haut pour empêcher les porcs d’aller y déterrer les cadavres. Des décisions semblables sont connues pour York en 1243, Rouen en 1302, Bruges en 1337, Nancy en 1385, Nuremberg en 1416. En ville, le porc n’est pas vraiment élevé en porcherie ; il l’est surtout dans la rue, sur les places et les terrains vagues, au bord des fleuves, voire dans les parcs ou les jardins. Depuis l’Antiquité, le porc urbain est un animal vagabond qui prend sa nourriture où il la trouve. D’où des abus, des querelles et des accidents. Nombreux sont les procès qui mettent en scène des porcs ayant visité une boutique, dévasté un jardin, pillé une réserve ou un charroi, blessé (voire dévoré) des enfants.
La divagation des porcs occasionne en effet de nombreux accidents. Le plus tristement célèbre est celui dont fut victime, en 1131, le prince Philippe, fils aîné du roi de France Louis VI le Gros, renversé de cheval par un cochon vagabond et mort des suites de cette chute. À partir de la fin du XIIIe siècle, toutes les villes d’Europe prennent des décisions réglementaires pour limiter ou pour interdire la circulation des porcs dans les rues. Mais le renouvellement perpétuel de ces textes prouve qu’ils n’étaient guère respectés, malgré les amendes ou les châtiments parfois très sévères qu’ils instauraient. À Paris,
seuls les religieux de l’ordre de saint Antoine, les Antonistes, voués à l’action charitable et au soin des malades atteints du mal des Ardents (sorte d’épilepsie), conservèrent le privilège de laisser leurs porcs courir en liberté dans les rues. Il va sans dire que ces porcs Antonistes n’eurent jamais le monopole de la rue parisienne, et que bien d’autres cochons de toutes provenances s’y rencontrèrent jusqu’au xvie siècle. L’édit de 1539, plus sévère encore que les précédents, semble finalement avoir eu raison de leur vagabondage. Mais à Milan et à Cologne, on trouve encore des cochons girovagues au xviiie siècle, et à Naples, jusqu’au début du xxe.
Voilà pourquoi je parlais de clochette de cochon (sans l'affirmer, car on n'était pas là pour le voir).
