Type IV
"Le type IV se distingue surtout par l'ajout des lettres PP de part et d'autre des portraits d'Auguste et Agrippa. Encore faut-il s'entendre sur le sens à donner à ces deux lettres. Il est communément admis qu'il s'agit de "Pater Patriae", titre donné à Auguste par le Sénat en 2 av. J.-C. Néanmoins, à cette explication qui paraît aller de soi, certains spécialistes ont trouvé cette traduction suspecte, et même hautement improbable. C'est le cas de G. Amardel, qui émet une autre hypothèse dans sa brochure "Le crocodile et les lettres PP des monnaies de Nîmes" (Texte de 1910. Voir détails dans la bibliographie de ce site qui fait état de la réédition du texte complet aux éditions Lacour de Nîmes).
G. Amardel "à priori" date les premières frappes du type IV à partir de cette année 2 av. J.-C. Déjà à cette époque, ses contemporains avaient admis la traduction "Pater Patriae" majoritairement. Mais G. Amardel ne se satisfait pas de cette hypothèse érigée en certitude qui ne lui paraît pas crédible et même peu étayée. Il propose "Permissu Principi", soit "avec la permission du Princeps". Sans vouloir reprendre l'ensemble de ses arguments, où même y adhérer, ils méritent de ne pas être ignorés. En voici la teneur dans les grandes lignes:
- Lors de la première émission du dupondius de Nîmes (28-27 av. J.-C.), Octave ne portait encore que le titre de "Princeps". Quand il prit celui d'Auguste, il ne modifia pas pour autant l'épigraphie du dupondius/as de Nîmes (le Principat était le nom du nouveau régime établi par Auguste en 27 av. J.-C.). Plus tard, le titre de Princeps tomba en désuétude au profit de celui d'Auguste, mais il n'en était pas encore ainsi quand les lettres PP apparurent sur l'as de Nîmes.
Citons G. Amardel : " Le mot Princeps n'avait jamais cessé de désigner l'Empereur. S'il ne paraît pas dans les inscriptions épigraphiques, c'est qu'il ne conférait pas de pouvoirs spéciaux comme les titres d'Imperator, Consul, Pontifex Maximus, ou comme la puissance tribunicienne. Qu'il n'était pas non plus un nom comme Caesar ou Augustus, ou un titre honorifique conféré par le Sénat comme Pater Patriae."
- Un nouveau titre, tel que "Pater Patriae" est un évènement important. Quand on veut le faire connaître et le diffuser par le biais d'une monnaie, on ne l'abrège pas autant dès le début (PP), on l'écrit en toutes lettres, ou peu s'en faut. Ce titre n'aurait par la suite été abrégé en PP qu'à partir de Caligula.
Cette théorie se heurte cependant à une objection majeure : si le titre de "Pater Patriae" a été attribué à Auguste en 2 av. J.-C., rien ne prouve qu'il ait été intégré immédiatement à l'épigraphie des dupondius de Nîmes. Il est possible que les lettres "PP" n'aient été ajoutées qu'en 10 de notre ère, en même temps que sur les monnaies de Lyon, soit 12 ans après l'existence du titre. On ne peut plus alors s'appuyer sur le fait qu'un titre récemment usité ne puisse se réduire à ses initiales. Aujourd'hui, on date ce type IV entre 10 et 14. On pourrait plutôt dire que son émission a pu être constatée entre ces dates, mais il est aussi possible que les frappes du type IV aient commencé avant et se soient terminées quelques années après 14 (mort d'Auguste).
G. Amardel avance aussi que les lettres "PP" ne peuvent qu'exprimer une permission en jouant, en quelque sorte, le rôle d'une "contremarque permanente". Il remarque d'ailleurs que les monnaies de ce type IV ne sont jamais contremarquées, sauf exceptions très rares de contremarques militaires apposées très postérieurement. Cette "contremarque qui n'en est pas une", aurait été nécessaire pour autoriser la monnaie à circuler dans tout l'Empire... avec la permission du Princeps ("Permissu Principi"). Jusqu'ici, elle circulait surtout en Gaule et limitrophe.
G. Amardel émet une autre hypothèse quant-aux frappes du type IV. Il pense qu'il est probable que ce type ait fait l'objet de restitutions jusqu'à Néron. Il s'appuie pour celà sur le style de gravure de certains portraits d'Auguste et Agrippa. C'est en effet très possible. D'autant qu'Agrippa a lui aussi fait l'objet de restitutions pendant de longues années, en particulier sous Caligula (Portrait d'Agrippa seul à l'avers et Neptune au revers). Les successeurs d'Auguste ont beaucoup restitué ses monnaies, notamment pour se référer à lui et asseoir leur propre légitimité. Alors pourquoi pas le dupondius de Nîmes, si populaire ?
Ce n'est pas prouvé pour autant. Pourquoi alors s'arrêter un instant sur ces deux théories de G. Amardel, si celles-ci n'ont pas été reconnues ? Assurément parceque ce passionné du monnayage au crocodile a montré par ailleurs beaucoup d'intuition quant à l'étude de ces frappes. Surtout à une époque où les idées les plus fumeuses ont circulé à ce propos, il fît preuve de beaucoup de discernement et servit de référence longtemps en ayant fait avancer notre connaissance du sujet. De plus, cette monnaie est tellement chargée de doubles sens, qu'il faut la considérer, à mon avis, sans oeillères, en s'arrêtant toutefois avant de glisser vers des interprétations farfelues.
En ce qui concerne la date de +14 (mort d'Auguste), censée marquer l'arrêt des frappes de ce type IV, nous n'avons pas de certitude. Nous pouvons cependant affirmer que ce monnayage a circulé au moins jusqu'au règne de Claude 1er (41-54) : un dupondius de Nîmes du type IV avec une contremarque de Claude a été retrouvé dans le trésor du gué de Saint Léonard (Mayenne)."
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